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Ségolène répond aux questions sur la crise

En pleine crise financière, vous réclamez qu'on interdise les licenciements dans les entreprises qui font des bénéfice. Dérapage ?

– Non seulement ce n'est pas un dérapage, mais je le fais déjà en Poitou-Charentes ! J'ai été la première présidente de région à interdire aux entreprises qui font des bénéfices de licencier ou de délocaliser, sous peine de devoir rembourser toutes les aides que la région leur a versées. C'est beaucoup plus moderne et plus efficace qu'une interdiction administrative. En France, toutes les entreprises bénéficient d'aides publiques, ne serait-ce que sous la forme d'exonérations de charges : la collectivité y consacre quand même 65 milliards d'euros chaque année .Tout le monde réclame aujourd'hui un retour aux règles, y compris ceux qui fustigeaient hier encore toute tentative d'intervention de l'Etat. Pourquoi, limiter la régulation à la seule finance ?

Vous ne faites pas confiance aux solutions évoquées au plan international?


– Je pense qu'il y a un déficit démocratique et de transparence grave qui d'ailleurs explique une partie de la crise. Les pseudo-compétents, les super-diplômés, le fin du fin de la finance internationale, tous ceux qui ont conduit le système à sa perte en s'en mettant plein les poches et qui nous ont envoyés dans le mur savaient que le système était devenu fou. Or ils voudraient aujourd'hui qu'on les laisse faire sans exiger qu'ils rendent des comptes. Ce sont pourtant des centaines de milliards d'euros qui sont mis en jeu par le contribuable.

Il ne fallait pas le faire ?

– Si bien sûr, mais pour l'instant ces décisions relèvent essentiellement du court terme. Les Etats injectent des sommes pour sauver les banques sans mettre de conditions sur le modèle de société que nous voulons. Si on éteint l'incendie, mais que le feu continue à couver sous la cendre, c'est-à-dire si le système se rétablit tel qu'il est, alors la crise à venir sera beaucoup plus violente et beaucoup plus profonde. Et on ne pourra pas dire qu'on ne savait pas. Donc il y a une obligation de réforme en profondeur. Regardez ! Même le mode de rémunération des traders n'a pas été revu. Je crains que les mêmes causes produisent les mêmes effets. Ça va recommencer et certains experts viendront nous expliquer qu'il faut à nouveau colmater les brèches. Eh bien non ! Les Français méritent autre chose.

Le Medef a pourtant promis de s'attaquer aux parachutes dorés…


– Je ne fais aucune confiance au Medef et à tous les banquiers qui y siègent pour établir des codes de bonne moralité ! Puisque Nicolas Sarkozy a parlé à juste titre de sanctions, ce qui est attendu, c'est que tous les responsables bancaires qui ont fauté soient interdits de profession bancaire. Sinon tout n'est qu'incantation.

Les Français sont-ils résignés ou en colère ?

– Les Français sont ébahis : le pouvoir d'achat plonge, nous découvrons un nouvel impôt tous les mois… Et soudain des milliards d'euros pleuvent pour sauver les banques alors qu'on nous dit depuis des mois qu'il n'y a plus d'argent dans les caisses. Encore une fois, je ne conteste pas la nécessité de ces plans de sauvetage. Mais j'attends par exemple que la puissance publique reste durablement dans le capital des banques sauvées, pour garantir un nouvel ordre économique juste et efficace.

Que préconisez vous ?


– La page du libéralisme est tournée. Mettons la finance au service de l'économie productive et pas au service d'elle-même; et l'économie au service du développement humain et écologique. Je propose de réglementer les reventes de créances douteuses parce que c'est ce qui a mis le feu au système. Il faut également créer une véritable banque publique pour financer durablement les PME et relancer l'économie : sous couvert de crise, on ne peut pas laisser le gouvernement accentuer la rigueur, privatiser les services publics et la Poste, et ce, alors que le pouvoir d'achat et le chômage sont les premiers problèmes des Français.. Je pense que la création d'un ministère franco-allemand du développement économique destiné à financer la croissance verte serait formidable : il préfigurerait les grands travaux que l'on pourrait lancer au niveau européen. La Banque centrale européenne doit également pouvoir jouer un rôle de vrai gendarme auprès des banques. Il faut enfin s'attaquer au problème des paradis fiscaux et du secret bancaire pour de bon. Et c'est vrai que les questions récurrentes posées sur le Luxembourg, la Suisse ou le Liechtenstein mériteraient d'être résolues … Ce serait une belle preuve de courage et de discernement !

Propos recueillis par Matthieu Croissandeau
(Nouvel Obs, lien ici http://tempsreel.nouvelobs.com/actualites/opinions/interviews/20081015.OBS6026/royal__haro_sur_les_banquiers_fautifs.html)



Hier en Gironde:

Solennelle, Ségolène Royal explique qu'elle veut «changer le système». «Nous sommes en droit d'exiger que des réformes soient faites», a-t-elle lancé, mercredi, en meeting à Parempuyre en Gironde. Concentrant son propos sur la situation économique, l'ancienne candidate à la présidentielle s'est livrée à une explication détaillée du mécanisme de la crise. Elle est «d'une implacable simplicité», a-t-elle dénoncé : endettement, faillites bancaires, «irresponsabilité» et «incompétence» généralisée, crise boursière… Ségolène Royal accompagne la colère de l'assistance contre le système en faillite. «Le libéralisme est en échec et c'est une bonne chose.» Applaudissements du millier de personnes présentes.

Presque comme au Zénith, il y a trois semaines, elle a le regard sur les prompteurs. La crise a déjà eu une bonne conséquence, ironise-t-elle : «Les nationalisations», alors que c'était un «gros mot» auparavant. Même si le plan de sauvetage des banques, adopté mardi, présente un intérêt à ses yeux, elle défend l'abstention des socialistes. Ils ont «bien fait» : «Nous ne pouvons pas donner quitus au gouvernement, nous devons protéger les Français contre les risques de ­récidive».

Paradoxale, Ségolène Royal mélange les attitudes : discours très à gauche, esquisse d'union nationale. «Je vais vous dire à quelles conditions nous pourrions aider, dans l'intérêt de notre pays, le gouvernement à réussir.» Elle pose sept conditions pour changer le système, parmi lesquelles le «maintien» de l'État dans les banques, une sanction contre les banquiers qui ont commis des fautes, la «suppression des paradis fiscaux», la mise sous contrôle des fonds d'investissements et la création d'une banque publique d'investissement. Elle y ajoute un refus de la privatisation de La Poste et la mise en chantier d'une dynamique européenne.

«La crise peut être une chance pour la gauche si on sait empoigner les choses», assure-t-elle ensuite en aparté. «Le manque de visibilité du discours socialiste, la cacophonie, nécessitait une parole structurée, pédagogique.» Mais promis, il ne s'agissait pas d'un meeting en vue du congrès ! Dans son intervention, elle s'est quand même plusieurs fois revendiquée du socialisme. «Un peu trop ?», interroge-t-elle sur le ton de la plaisanterie.

À trois semaines du vote sur les motions du congrès de Reims, Ségolène Royal mène campagne à gauche. Avant de tenir son meeting à Parempuyre, elle est allée soutenir les ouvriers de l'usine Ford à Blanquefort.

 

«Une caste de financiers»

 

Le site est promis à la ferme­ture, laissant sur le carreau ses 1 600 salariés et les emplois des sous-traitants. À son arrivée, les slogans, repris en chœur par les quelques centaines de personnes, donnent le ton, très à gauche : «Tout est à nous, rien n'est à eux, tout ce qu'ils ont, ils l'ont volé.» Un autre lance : «Ça va péter.» Face à eux, Royal alterne le pragmatisme et la dénonciation virulente. Elle durcit le ton pour dénoncer une «caste de financiers» qui «s'en est mis plein les poches».


15/10/2008
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